On dirait qu’il ne réussit pas à bien écrire sans le faire exprès.

 

Simon

Pour un collège qui a des Gueules

 

Andréas Becker est venu au collège Nelson Mandela d’Hérouville-Saint-Clair au printemps dernier, les 12 et 13 avril 2018. Il avait été précédé la veille de Pascal Cottin, des éditions d’en bas, qui avait la lourde tâche d’introduire la rencontre.

   Dès le début, nous avons senti qu’il se passerait quelque chose… Parce que la langue d’Andréas, faite de mots-valises, de néologismes et de jurons détournés était faite pour nos élèves. Eux qui entendent si souvent que leur vocabulaire n’est pas opportun, que leur syntaxe est à revoir ou que leur niveau de langue pourrait gagner à être rehaussé ont vite saisi la perche qui leur était tendue : cette fois-ci, on n’exigerait d’eux que d’être libres.

   Les réactions qui ont suivi les premières lectures et les premiers coups d’oeil aux photos ainsi qu’aux dessins des gueules cassées qui illustrent l’oeuvre nous ont donné raison et levé nos dernières appréhensions : non, ils ne voyaient pas le siècle qui les séparait des soldats ; non, ils n’étaient pas refroidis par les inventions en matière de langue et de narration ; et oui, ils attendaient désormais avec une réelle impatience de découvrir l’artiste derrière les mots.

   Le lendemain, c’était fait : Andréas arrivait, simplement, et se mettait à échanger avec ces ados de quatorze ou quinze ans le plus naturellement du monde. Avec le recul, nous qui sommes habitués à ce genre de séances, nous avons saisi ce qui avait fait le succès singulier de celles-ci. D’abord, la personnalité de l’auteur, qui sait être profond sans se prendre au sérieux, intéressant et engagé sans verser ni dans le dogmatisme ni dans les certitudes. Ensuite, l’ouverture de ces jeunes gens, avides d’en apprendre davantage sur un univers qui leur était si étranger… Quoique. Le début du xxe siècle, les poilus, Verdun, certes ; mais pour le reste… Tant d’entre eux ont fui des pays en guerre, de la Syrie à l’Afghanistan en passant par le Mali ; tant d’entre eux ont vu les ravages de la violence sous toutes ses formes, à commencer par le délit de gueule, justement ; tant d’entre eux ont inscrit dans leurs chairs les stigmates du regard de l’autre… La rencontre, finalement, ne pouvait qu’avoir lieu.

   Car c’était justement là que résidait l’enjeu de ce projet : faire du centenaire de la fin de la boucherie héroïque qui devait être la dernière le point de départ d’une réflexion autour de la paix, évidemment, mais aussi et surtout de ce qui pouvait écarter de l’homme l’idée même de conflit. L’échange. La création. Le partage. Les mots. Les images. Toutes ces notions si abstraites que Pascal et Andréas ont su au fil des jours faire vivre et vibrer. Les productions des élèves présentées dans cet almanach en sont le plus éloquent des témoignages. Aujourd’hui, les élèves ont quitté le collège pour le lycée. Mais nul doute que les Gueules d’Andréas Becker les habitent et les habiteront encore longtemps, comme elles le font en chacun de nous depuis que nous avons eu la chance de les découvrir.

 

L’équipe du collège Mandela

 Stan, Jubair, Asma, Hugo-Antonio, Gabriel, Enzo, Illana, Mathilde, Joris, Mayssa, Lise, Ilona, Maralgoo, Naella, Rachida, Ameline, Maeva, Ayissa, Emma, Cleo, Océane, Amor, Sofiene, Donya, Antoine, Caroline, Mathilda, Sarah, Enzo, Sakina, Océane, Julien, Salima, Alexis, Marius, Emre, Morgane, Vinciane, David, Axel, Lenny, Charlotte, Mariem, Mathys, Marion, Matthew, Salman, Delwar, Antonjo, Kheda, Nadira, Akhmed, Thibaud, Morgane, Sacha, Tom, Nour, Aldrin, Laura, Alycia, François, Corentin, Zaya, Luna, Lisa, Farah, Lewin, Maël, Audrey, Melvine, Kiliann, Hugo, Madina, Sohane, Yasmine, Nika, Alexandre, Amandine, Quentin, Simon, Yness, Gabriel, Laura, Léa, Shila, Théo, Allan, Karim, Vivien, Amélie, Manon, Chloé, Mano, Lysa, Loïc, Hanaa

Autour de Gueules d’Andréas Becker – Collège Nelson Mandela, Hérouville-Saint-Clair

Gueules : Ce livre est écrit de façon oralisée et cette façon d’écrire me fait rappeler mon écriture ; en regardant les mots je trouve ça intelligent de composer un mot avec plusieurs mots. Chaque fois où j’entends ces mots dans ma tête je réfléchis comment les mots ont été composés et ma façon de les composer. C’est incroyensible mais il y a beaucoup des sentiments cachés derrière chaque personnage et chaque texte, les phrases sont très fortes, touchantes, on peut pas être dans la peau de ces personnages mais moi en écoutant ce livre ça me fait rappeler des souvenirs forts.

Les personnages de chaque texte ont été touchés par le noir, l’obscurité de cette vie. Il y a beaucoup de répétitions et cela rend le texte original, fort.

Gueules !

 

Farah

 

 Andréas, dans sa manière d’innover, me fait penser aux anciens footballeurs ou anciens inventeurs ou aux anciens écrivains ; chez les footballeurs d’antan, d’avant cette envie d’innover malgré les normes et les contraintes du foot d’avant Lev Yachine qui réinvente le principe même d’être gardien tel Andréas Becker qui réinvente l’écriture, mais comme Lev Yachine il était moqué au début, mais je sens que cela fait réfléchir sur les mots, de plus la vie d’Andréas Becker témoigne de son questionnement sur qu’est-ce qu’un mot ?

   Lorsque je le touche, c’est un univers qui s’ouvre à moi, un nombre impodescriptible de choix, de possibilités, c’est un chemin qui a plusieurs routes à droite, à gauche, en bas, en haut, mais de quelle manière j’y vais, en reculant, en avançant, en courant, en marchant, voilà ce que je ressens quand je la touche la balle, le ballon, la sphère, de même que je ressens cela lorsque j’écris une histoire, elle peut aller dans tous les sens et rien ne m’interdira de le faire, j’ai le droit d’oser, d’essayer et devant tout le monde, malgré l’envie de tous je suis libre de mon corps, car après tout si Dieu nous laisse libre de maîtrise de notre corps, nous avons le droit de faire ce que nous voulons de notre corps mais par exemple, pour revenir au football, malgré que je n’ai le droit de ne pas jouer avec mes bras je peux jouer avec les autres parties de mon corps alors je suis sûr que vous ne pouvez imaginer la possibilité des créations comme l’écriture, qui, avec son crayon on peut créer.

 

 

Gabriel

Le chapitre (1) contient énormément de fautes parce que le personnage n’a pas appris à écrire ; il écrit grâce aux syllabes et je pense aussi que c’est son patois.

Ce qui rend le livre assez incompréhensible pour la lecture.

Le style d’écriture est très spécial et original. Par exemple il dit un mot dans une phrase et reprend le mot après mais en changeant le contexte. Cela est écrit de manière oralisée.

On dirait que le personnage parle à quelqu’un comme une lettre.

On passe du coq à l’âne,

 

Amandine – Sofiane – Charlotte

Lonze deumille ouite j’dessiner une mine quiressemblait à mamiene damès pensé. Loitié dvisage moignonté àcause de cette mine afront. Le bracès en deux acolonel puilunun autodos.

Pourça que j’rejoins l’résistance.

 

Lewin Mantua

Elle était ni blanche ni rouge, elle paraissait sans couleur pourtant elle était multicolore. Elle était Rosépine dès que je la touchais je m’y piquais, je saignais du bout des doigts mais aussi de l’intérieur. Je me sentais tiraillée, je voulais être son amie, elle qui incarnait la douceur, la beauté, l’iréelle. Plus je la regardais, plus j’étais absorbée par sa beauté surhumaine sûrement parce qu’elle ne l’est pas. Ses pétales transparentes reflétaient toutes les couleurs de l’univers. En un instant j’étais ailleurs, dans un monde parallèle ; une passerelle entre la vie et l’iréelle. Un monde merveilleux s’ouvrait à moi, un monde ni parfait ni beau mais un monde où je me sentais bien enfin moi-même, un monde libre où tout vit et meurt en un instant. La créativité sera mon alliée pour cette

bataille contre la vérité. La vérité d’un être, d’un monde, du savoir…

   J’étais soudain revenue à la réalité et j’ai quitté le monde créalité pour un monde empacté d’espoir, de guerre, d’amour, de peine, de mort… de courage. La Rosépine n’était plus là morte enterrée dans mes souvenirs lointains mais un bout de pétale plié, me rappelait qu’elle était à mes côtés pour l’éternité.

 

Amandine

Féliméline : chercher de la morfine ?

 

Copulatif : capsuler – laxatif

Joris

 

Copulatif : addictif/copuler

Nour

 

Mélimélangeait : méli-mélo, mélanger

Arnold

 

Chantassant : chantant/entassant

Morgane 

 

Oriflamme : orifice-flammes ?

Sakina – Mariem

 

Mimiens : il fait un mélange entre « moi » et « mien ». Pour être sûr que ça soit

à lui.

Thibaud 

 

Noblesserie : Noblesse, blesse, connerie ou boucherie

Julien 

Je trouve particulièrement bien et surtout exceptionnel, c’est vrai je n’avais jamais entendu, écouté ou lu quelque chose d’aussi beau, une pratique si complexe et en même temps si simple. Quand j’ai écouté ce texte, j’ai d’abord cherché à comprendre cette façon d’écrire, mais j’ai ensuite compris que juste écouter et imaginer permettait de comprendre. Cette forme d’écriture est certes particulière même très particulière et c’est ce qui en fait sa beauté.

 

Mathilde 

« Gueules », ouais gueules ; c’est ti bô ou c’est ti moche, t’façon quand on nous r’garde, c’est toujours avec dégoût. Mais c’est sûr, eux ils zy étaient pô là-bas, dans les tranchées qu’on y était. Eux là, qui z’étaient plantés chez eux. Nous, qu’on se battait pour eux, pour la patrie. Tu parles d’une patrie toi.

Le mot « gueule » m’a tout de suite inspiré, je me suis dit : « Est-ce que c’est bien ou mal ? »

 

Audrey

La guerre quoi pour ? La guerre qui pour ? Est-ce que coup le ça vaut ?

  Si cassé gueule j’étais, quand même aimais moi ? Non, la réponse je connais.

  Tue des hommes la guerre fait, les visages déformés et les coeurs cassés.

  Vie nouvelle après guerre ? Pleinement vivre il faut, mélanger volonté et envie. Vouloir c’est pouvoir.

  Rigolater et magancer du cocholatie pour casser gueule c’est silfa !

  Sichoir son camp est possiblein.

  Tue la guerre coeurs rassemble. Vécu ont tous, de camps différents, ils étaient.

  Ma famille que pensait vont-elle eu ?

  Horrifier mon visage était et est.

  Cacher c’est mieux ? Physique et moral est la douleur.

  Perdu mes amis, inconnu se moque, famille rejeté, et moi, je ne m’aime plus…

  Absurde la guerre est.

 

Laura

La guerre a fait beaukou de mourut mais aussi beaukou de mami que tu sois allememand ou Farancé on s’enFoufouté. La guerre a cassé beaukou de vie. Le des n’enfants ou des vadultes n’etée pas un regard de contation mais de peur.

   En même temps comme t’on peut regarder un ivage broyer, tirebouchonais avec des vous. Moi Georges de Blanchemarie qui naver un ivage comme quelui d’un bébé et qui me suis retrouver tous cabosse avec du bout de fer à la place du favont. Moi n’avait qui jamais connu de baguettement copulatif avec une Femme, alors ci je rissiquer encore moins d’en avour. Je suis été qui, nissancé premier août en mille et huitcent octorante-quinze, dans une hocepital avec autres gueles cassé. La est sûr on pouvait me dire que je suis une mauvaise mine, un sale gueule. Moi Georges de Blanchemarie ressemblant à une petite cocholer sur mon visage. Maintenant à l’hocetopital nous ressortions que la nuit, pour rigolaté et maranger sans éffaranté personne.

 

Mathilda

une page blanche, comme d’hab je laisse une page blanche une page blanche comme

   mei il n’y a rien, rien à dirt, rien à faire, je suis une page blanche mais je ne veux pas écrire car je suis comme ça moi, je n’aime pas car je ne veux pas, je ne sors pas car je ne veux pas, pourquoi car je veux, ne pas aimer, je veux, ne pas sortir : pourquoi tout ça c’est débile, mais je suis une page blanche, ne comprend pas il n’y a rien à comprendre, une page blanche car je ne veux pas écrire, mais je veux écrire que je veux ce que je ne veux pas, qui suis je ne veux pas qu’on me suive il n’y a rien c’est blanc c’est aussi vaste que l’univers, mais en lisant ce que je je n’écris pas vous être perdue dans ma penser, mais ça na pas de sense, je suis une page blanche et je ne pense pas, là vous êtes perdu vous réfléchissez trop, STOP ! je vous le dis une page blanche vous tous que vous soyez adulte, enfant, ados, crétin, con, vous êtes le stylo vous écrivez ma vie c’est vous qui me guidez, qui me conseillez mais je ne suis rien je ne suis encore qu’un innocent ado, privé de sentiment mort, mais encore vivant, j’aime, je déteste, mais je suis privée de sentiment, je ne veux pas que vous m’oubliez mais vous êtes obligés je m’appelle personne arrêtez de lire car vous ne pourrez plus ne réfléchissez pas car vous lisez rien ça n’a aucun sens comme moi je suis une page blanche qui se confond avec les pages d’un arbre, je me fond dans la masse je me colorie en rouge – noir – blanc… Mais je reste une feuille blanche je suis personne et

arrêtez de lire,

!

                                                                                                                                             ?

                                              ,…

. ,

?                                                                                                                                            !

Car vous réfléchissez trop, tout ce vous devez savoir c’est que le ciel est blanc, et que je n’écris pas…

 

blanc

 

blanc

 

blanc 

 

blanc

 

blanc

 

blanc

 

Vivien

∞ Bon et jour,

∞ Je suis Amélie, une fille –

∞ J’ai une gueulle ovronde –

∞ Des nyeux en amande deux couleurs gribleu,

∞ Le nez qui est trompéretroussé –

∞ La bouche finepeuse –

∞ Mais oreilles son plus tôt, piticoller –

∞ Mes cheveux sont blondulés –

∞ Puis ma silhouette grandefine –

 

Amélie

Qui je suis été, nésanscames premier yaourt en mille et huitcent octorante- quinze, de noblesseriz corporompue, ne gardant qu’une particule térinairevalu dans un nom de petite fille.

   Dans les trancheterre, Nous machalcirons sur ces cadavres qui n’attendâmes que ça.

 

Marius

Fois autre, j’regardais la télé et j’ai vu une foule d’personne se bousculer dans une gare à Paris. C’était la semaine de grève où les manifestations se faisaient einsentir !

   Non mais franchement ! Ya une meuf qui s’est éjectée dans les rails !

   MDR : So Comment ! L’gens s’bousculent ! DisRespect Life !

   Bousculades, bagarres ! Pas d’accord ! Faut vraiment s’calmer.

   Utiliser des moyens plus corrects.

   Bref faut se calmater !

   La vie ne se résume pas à la violence, un désaccord n’pas obligé driver jusqu’à frapper.

 

Buchet Nyissen

Avec les copains. Nous – Fumons – habituder – à – harpentader les habords du Nomensland – éventualement Allboches – je fus numis par le destin pour avoir volé.

 

Enzo

L'ensemble du dossier est intégré dans L'Almanach du tastevin paru aux Éditions d'en bas

 

Janvier 2019 - Août 2020 | 15 x 22.5 | broché | 160 p.

ISBN 978-2-8290-0585-5

CHF 10.- | € 10.-

 

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